Quelle suite après une mise à pied conservatoire ?

Selon un arrêt récent de la chambre sociale du 14 avril 2021, un délai de 7 jours entre la mise à pied conservatoire et la procédure de licenciement (sans motif) est jugé trop long (Cass. Soc. 14 avril 2021 n°20-12.920).

Selon l’article L1332-3 du Code du travail, la mise à pied conservatoire est la suspension temporaire du contrat de travail d’un salarié lorsque les faits qui lui sont reprochés sont d’une certaine gravité. En d’autres termes, la mise à pied conservatoire permet à l’employeur d’écarter le salarié de son poste et de l’entreprise. La suspension est effective pendant la durée de la procédure disciplinaire, depuis la convocation à un entretien préalable, et ce, jusqu’à la notification de la décision prise.

Ce délai accordé permet à l’employeur de choisir la sanction qu’il juge la plus appropriée et, si besoin, pour mener son enquête. Ainsi, il dispose du temps nécessaire pour vérifier l’existence ou la gravité des faits fautifs car seule une faute grave ou lourde peut justifier une mise à pied conservatoire (Cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43.867). En principe, aucune disposition légale ne fixe la durée de la mise à pied à titre conservatoire. Ainsi, la mise à pied à titre conservatoire prend fin avec le prononcé de la sanction définitive (Cass. soc. 27 novembre 2007, n°06-42.789).

Toutefois, il est admis qu’une mise à pied à titre conservatoire soit prononcée pour un nombre déterminé de jours. Cette sanction doit alors correspondre au délai séparant la convocation à l’entretien préalable de la date même de cet entretien (Cass. Soc., 18 mars 2009, n°07-44.185).

Une mise à pied conservatoire qui n’est pas suivie immédiatement de l’engagement de la procédure de licenciement, sans nécessité et sans que l’employeur puisse s’en expliquer, est requalifiée par les juges en une mise à pied disciplinaire. L’employeur ne peut pas ensuite sanctionner une nouvelle fois le salarié en prononçant son licenciement (Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962).

Les délais suivants, sans justification, ont été jugés excessifs :

  • 4 jours : Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962 ;
  • 6 jours : Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-15.303 ;
  • 13 jours : Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 18-25.565 ;

C’est ce que confirme l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 avril 2021 (Cass. Soc., 14 avril 2021, n°20-12920). En l’espèce, un salarié s’était vu notifier verbalement une mise à pied conservatoire. Seulement 7 jours après, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement. Au terme de cette procédure, le salarié avait été licencié pour faute grave. Il a alors saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester le délai de mise en œuvre de la procédure de licenciement. Le salarié estimait que la mise à pied notifiée en amont était une mise à pied disciplinaire.

L’employeur n’avait alors pas le droit de faire suivre cette sanction d’un licenciement pour faute grave, dans la mesure où il est interdit de sanctionner deux fois un salarié pour les mêmes faits. La Cour de cassation a confirmé que la procédure de licenciement avait été engagée 7 jours après la notification de la mise à pied, sans aucun motif de nature à justifier ce délai. Selon elle, la mise à pied devait être requalifiée en une sanction disciplinaire. L’employeur ne pouvait donc pas prononcer le licenciement pour faute grave : ce dernier a donc été invalidé.

La plus grande prudence s’impose donc en la matière et il est préférable de faire figurer la mise à pied conservatoire dans la même lettre que celle qui convoque le salarié à l’entretien préalable au licenciement pour éviter toute difficulté.

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La mise à pied conservatoire est une mesure provisoire d’urgence visant à éloigner un employé de l’entreprise. Elle doit immédiatement être suivie de l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

Cette mesure provisoire permet à l’employeur d’avoir suffisamment de temps pour prendre une décision sur le sort du salarié.  

Une mise à pied conservatoire intervient lorsque les faits reprochés au salarié sont d’une gravité telle qu’ils justifient sa mise à l’écart immédiate de l’entreprise. L’employeur peut prononcer la mise à pied dans l’attente de la sanction à intervenir.

La plupart du temps, la mise à pied conservatoire est suivie d’une procédure de licenciement.

La différence entre mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire

Cette mesure se distingue, hormis en cas de poursuites pénales, de la mise à pied disciplinaire. Elle interrompt la prescription des faits fautifs. Par conséquent, le salarié est dispensé d’exécuter son travail dans l’attente d’une décision sur la suite à donner aux faits reprochés.

Seul le licenciement pour faute grave ou faute lourde dispense l’employeur du paiement du salaire lié à cette période d’inactivité.

Exemples de motifs de mise à pied conservatoire

Les faits suivants ont été qualifiés de faute grave, et justifient une mise à pied conservatoire (Cass.soc. 27.09.07, n° 06-43.867) :

:

  • Abandon de poste ;
  • Vol ;
  • Violences au sein de l’entreprise ;
  • Harcèlement moral ou sexuel ;
  • Comportement délictuel.

Cette liste n’est pas exhaustive.

La loi impose à l’employeur de convoquer le salarié à un entretien, sauf si la sanction prévue est un avertissement ou une sanction de même nature sans incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la rémunération, la fonction ou la carrière du salarié.

Un avertissement peut avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise et doit être précédé d’un entretien préalable, dès lors que le règlement intérieur subordonne le licenciement à l’existence d’une ou plusieurs sanctions antérieures. Plus généralement, les clauses conventionnelles peuvent imposer aux employeurs de suivre la procédure d’entretien préliminaire, même si les sanctions envisagées sont des avertissements.

L’employeur doit convoquer le salarié à cet entretien soit par lettre remise en main propre contre décharge ou récépissé, soit par lettre recommandée en précisant l’objet de la convocation, la date, l’heure, ainsi que le lien de l’entretien. Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix qui doit appartenir au personnel de l’entreprise.

Bon à savoir : Sauf en cas de licenciement, l’employeur n’est pas contraint d’identifier la nature exacte des sanctions éventuelles, ni d’en indiquer les motifs.

Quelles sont les conséquences de la mise à pied ?

Pendant toute la durée de la mise à pied conservatoire, le contrat du salarié est suspendu. De plus, si à la suite de la mise à pied conservatoire s’ensuit une procédure de licenciement pour faute grave ou lourde, le salarié n’est pas rémunéré. La mise à pied conservatoire n’a en principe aucune durée maximale, bien qu’un délai de 7 jours entre une mise à pied et la procédure de licenciement soit jugé trop long (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920).

Il percevra sa rémunération s’il est par la suite réintégré dans l’entreprise. 

Quelles sont les sanctions possibles ?

En règle générale, l’employeur est libre de choisir la sanction qu’il juge appropriée au comportement de l’employé. Il peut également, sauf en cas de discrimination, sanctionner différemment les salariés impliqués dans une même infraction (ou ne pas en sanctionner). 

La mise à pied conservatoire entraîne le plus souvent un licenciement, mais ce n’est pas systématique. L’employeur peut imposer une sanction plus légère, comme le licenciement disciplinaire.

Si l’employeur envisage l’éventualité d’un licenciement, il devra convoquer le salarié à un nouvel entretien. Le délai de notification débute à partir de ce second entretien.

Quelles sont les indemnités prévues suite à une mise à pied ?

Le salarié ne peut pas refuser une mise à pied conservatoire, mais peut en contester la sanction dès lors qu’il l’estime disproportionnée par rapport à la faute commise.

Si l’employeur maintient la mise à pied, le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes afin de contester la sanction définitive.

Le juge peut annuler une sanction disproportionnée, mais la procédure disciplinaire précédemment effectuée subsistera. L’employeur peut alors imposer une nouvelle sanction. Celle-ci doit être notifiée au salarié dans un délai d’1 mois à compter de la notification de la décision d’annulation.

S’il justifie d’un préjudice, le salarié peut demander des dommages-intérêts en plus de l’annulation de la mesure disciplinaire (Cass. soc. du 6 mars 1986, n° 83-41.804).

La mise à l’écart décidée avant un arrêt maladie dans le cadre d’un CDD ou un CDI ne se reporte pas. Les indemnités journalières de la Sécurité sociale sont versées comme à l’accoutumée, mais l’employeur ne sera pas tenu d’indemniser le salarié.

Le salarié peut en profiter pour réclamer le paiement des jours non rémunérés pendant la mise à l’écart, ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi. Le Conseil de prud’hommes peut décider de faire payer à l’entreprise le salaire dû pendant la mise à pied, ainsi que les indemnités de licenciement et de préavis.

A noter : Afin de contrer la décision, le salarié doit envoyer une lettre de contestation à son employeur pour contester la mise à pied.

FAQ

Quelle est la différence entre une mise à pied disciplinaire et conservatoire ?

Contrairement à la mise à pied conservatoire, il n'est pas possible de sanctionner une deuxième fois le salarié pour le même fait avec une mise à pied disciplinaire.

Quelle est la durée maximale d'une mise à pied conservatoire ?

La mise à pied conservatoire étant liée à la procédure disciplinaire qui a déjà été entamée, elle ne possède en principe aucune durée maximale (sauf s’il y a licenciement pour faute grave ou faute lourde).

Puis-je démissionner pendant une mise à pied ?

L'employeur ne peut pas refuser la démission du salarié, mais peut exiger qu'il accomplisse un préavis. Dans l'attente de sa réponse, l'employé demeure lié par un contrat de travail.

Quelle suite après une mise à pied conservatoire ?
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Samuel est co-fondateur de LegalPlace et responsable du contenu éditorial. L’ambition est de rendre accessible le savoir-faire juridique au plus grand nombre grâce à un contenu simple et de qualité. Samuel est diplômé de Supelec et de HEC Paris

Dernière mise à jour le 19/04/2022

Quand prend fin la mise à pied conservatoire ?

La mise à pied conservatoire prend fin lorsque la mesure de sanction a été notifiée au salarié. S'il est licencié pour faute grave ou lourde, il ne touchera pas de salaire pour cette période. En cas de sanction moins lourde, il peut toucher le salaire correspondant.

Quelle est la durée maximale d'une mise à pied conservatoire ?

La mise à pied conservatoire n'a en principe aucune durée maximale, puisqu'elle est liée à la procédure disciplinaire entamée en parallèle. Toutefois, par exception, sa durée peut être limitée lorsqu'elle est décidée en vue d'un licenciement pour faute grave ou faute lourde.

Quelle sanction après une mise à pied conservatoire ?

La mise à pied conservatoire est régie par l'article L. 1332-3 du Code du travail qui dispose, que lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise, sans que la procédure prévue à l'article L.

Puis

Mise à pied conservatoire et arrêt maladie le même jour Ainsi, selon le principe de la première cause d'absence, il n'y aura ni délai de carence, ni versement d'indemnités journalières par l'assurance maladie durant toute la durée de cette mise à pied conservatoire.