En 2007, Misha Defonseca posait pour Match avec Mathilde Goffart, qui interprète son rôle dans le film «Survivre avec les loups». © Virginie Clavières
12/05/2014 à 15:54, Mis à jour le 12/05/2014 à 16:02
Misha Defonseca, qui avait raconté dans le livre «Survivre avec les loups» son histoire inventée d’enfant ayant traversé l’Europe pour échapper aux nazis, a été condamnée. Elle devra verser plus de 22 millions de dollars à son éditrice, qu’elle accusait d’avoir détourné ses droits d’auteur.
Pendant des années, elle a raconté une histoire bouleversante. Celle d’une enfant, partie sur les traces de ses parents juifs déportés en 1941, accueillie par les loups. Malgré la famine et la solitude, elle avait survécu à la guerre dans les forêts de l’Europe de l’est grâce aux animaux avant de revenir dans sa Belgique natale. Son livre, «Survivre avec les loups», avait été porté sur grand écran en 2008. Mais tout n’était que mensonge. Jamais Misha Defonseca n’avait traversé l’Europe, encore moins accompagnée de loups. Le mensonge, qu’elle a admis il y a six ans, va lui coûter cher: elle vient d’être condamnée par la cour d’appel du Massachusetts à verser 22,5 millions de dollars (soit 16,4 millions d’euros) à son éditrice pour avoir menti sur le récit présenté comme étant autobiographique. Le livre a été traduit en 18 langues et vendu à 300.000 exemplaires en France.
Les troubles judiciaires avaient commencé avant même les aveux de Misha Defonseca, de son vrai nom Monique De Wael, en 1998. Face au succès planétaire du livre, Misha Defonseca, son nègre Vera Lee et son éditrice Jane Daniel, s’étaient disputé les millions, les deux premières accusant la troisième d’avoir détourné une partie de leurs droits d’auteur. La justice avait donné raison à l’auteure et à Vera Lee, condamnant en 2002 puis en appel trois ans plus tard Jane Daniel à leur verser 32,4 millions de dollars. La somme que devra débourser la mythomane correspond à la partie qu’elle devait toucher de la part de l’éditrice –Vera Lee, elle, ne remboursera pas son dû, les juges estimant qu’elle ignorait les mensonges de Misha Defonseca. Jane Daniel n’avait apparemment jamais versé les dommages-intérêts auxquels elle avait été condamnée –et Misha Defonseca expliquait en 2008 y avoir «renoncé».
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En 2010, à la lumière des mensonges de la Belge, la justice américaine avait autorisé Jane Daniel à poursuivre la septuagénaire, rappelle le «Courthouse News Service ».
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Un père collabo, une enfance réécrite
Misha Defonseca et Vera Lee, photographiées en 2001. © John Blanding/AP/SIPA
La septuagénaire avait commencé à raconter «son» histoire à la fin des années 1980, à son arrivée aux Etats-Unis. Rapidement, le récit de ses quatre ans d’errance avec les loups avait dépassé le cadre privé et elle avait sorti son livre en 1997 au sein de la petite maison d’édition Mt. Ivy Press. Son mari, Maurice, l’aidait à traduire en anglais cette histoire que lui-même pensait vraie.
C’est la première condamnation judiciaire qui avait lancé Jane Daniel à la recherche de la vérité. L’éditrice était alors partie sur les traces de la famille De Wael en Belgique, et avait découvert des actes d’état civil prouvant les mensonges de l’auteure: au moment des faits, Misha Defonseca n’avait que quatre ans et non sept, elle était même scolarisée à Bruxelles au moment de son périple présumé, et ses parents n’étaient pas juifs mais catholiques. Son père, Robert De Wael, avait même dénoncé tous les membres du réseau de résistance qu’il avait fondé, se faisant passer pour un évadé auprès des épouses de ses camarades, raconte «Le Soir ». Sa mère Germaine, reconnue elle comme résistante, avait été arrêtée puis déportée à Ravensbrück. Tous deux sont décédés au cours de la guerre.
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En décembre 2007, quelques mois avant que ses mensonges soient révélés au grand jour, Misha Defonseca racontait son périple aux côtés de «maman Rita», sa louve, à Paris Match: «Elle supportait aussi mal que moi la solitude. Les loups en ont horreur. Un jour, elle est revenue accompagnée d’un grand mâle noir qui a montré les crocs en s’avançant vers moi. J’ai cru que c’était la fin. Par réflexe, je me suis couchée sur le dos et maman Rita s’est interposée entre lui et moi. Elle m’a léchée tout en le surveillant. Ensuite, elle a fait de même avec lui et ils sont partis. A leur retour, il a fallu que j’apprenne à cohabiter avec ce loup qui me faisait peur.» Elle disait ses cinq sens «particulièrement développés» depuis ces quatre ans d’enfer. Alors âgée de 69 ans, elle jurait: «Je suis encore cette enfant pour qui l’humanité reste une menace. Mais je poursuis une thérapie pour évoluer, tout en sachant que ces atrocités resteront à jamais gravées en moi».